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2 novembre 2010 2 02 /11 /novembre /2010 12:41

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Tout ça, c'est de la faute à mon père. C'est lui qui m'a conseillé de passer le concours. Me voyant galérer un peu pour me faire embaucher à l'issue de stages ou de courtes missions d'intérim, il me dit un bon matin : et pourquoi tu ne passerais pas le concours de gardien de la paix ?

 

TILT ! A l'époque, il ne fallait que le BEPC, seul diplôme que j'avais. S'en est suivi le parcours habituel, avec ses épreuves espacées dans le temps, l'attente entre chaque résultat et enfin l'enveloppe finale, dont le contenu vous indique de recommencer ou met l'ANPE au rang des mauvais souvenirs.

 

C'est à la taverne de la bière, dans la banlieue de Bordeaux que se déroulaient les épreuves écrites. Un clin d'oeil, en quelque sorte. C'est ainsi que les futurs élèves gardiens de la paix grattèrent le papier en ce lieu fleurant bon le houblon, sans même avoir le droit de tremper leurs lèvres dans ce divin breuvage. Pour ceux qui réussirent, ils allaient avoir l'occasion de rattraper ce retard et plutôt deux fois qu'une.

 

Dans l'attente des résultats, il fallait bien gagner sa croûte. Bien que vivant chez mes parents, je comptais toujours me payer mes jeux vidéo et autres loisirs qui servaient de bouche-trou à mon ennui quotidien. Vivre dans un petit village planté au milieu des vignes n'a d'intérêt que pour les amateurs de bon vin. Pour un ptit gars rêvant d'aventures et surtout de s'enfuir à tire d'ailes ce n'est pas la panacée.

 

Je finis par trouver un Contrat Emploi Solidarité à l'Institut d'Etudes Politiques de Talence. Je n'avais que mon Brevet des Collèges... Ca en jetait pas mal. Tu bosses où ? A Sciences Pô. Je laissais en général un temps de latence, histoire de savourer la tronche de mon interlocuteur avant de préciser que je faisais des photocopies pour les profs et les étudiants. Je m'entendais plutôt bien avec ces deniers, dont le bureau des élèves était situé juste en face de la reprographie. Je leur achetais des tee-shirts et matait en coin les jolies jupettes virevoltant dans les courants d'air des interminables couloirs de l'établissement...

 

Ma chef de service de l'époque, Mme B., était une adepte du décolleté plongeant et j'allais au boulot en courant, regrettant toutefois que cela ne dure que vingt heures par semaines, merci Rocard. Cette jolie femme à la quarantaine bien tassée ne semblait pas connaître le fameux dicton préconisant de ne se découvrir d'un fil en avril. Aucun rapport je vous l'accorde mais c'est pour la transition, puisque c'est en avril 1993 que j'appris que j'étais désormais élève gardien de la paix, finissant 125ème sur 818.

 

Départ prévu en octobre 1994 pour un concours débuté en 1992. En clair, si vous vous reposez sur vos lauriers, vous vivez sous un pont pendant deux ans et devenez flic. Direction Marseille et puis Paris, 12 ans d'arrêt. Au hasard d'une rencontre j'ai demandé une mutation m'amenant dans une région où je n'avais mis les pieds qu'une fois et où il ne faut se découvrir d'un fil de janvier à décembre...

 

Et me voilà en Compagnie Républicaine de Sécurité. Je me souviens de l'oral, au concours. J'avais dit que ma maman ne voulait pas que je sois CRS, ne connaissant de ce métier que les images brutes que l'on veut bien nous montrer. Déjà elle avait tiqué quand elle a su que j'allais devenir policier. C'est armé un flic. Ca s'inquiète, une maman. J'avais dit lors de cet entretien que par respect pour elle je ne choisirais pas CRS. L'un des membres du jury m'a alors posé cette question : que ferez-vous s'il ne reste que des places en CRS ? Bah je choisirais CRS ! Ils ont souri, moi aussi, et je suis parti.

 

La vie est faite de choix. De tournants. Elle nous convient, ou pas. On s'enferre parfois dans des situations inextricables, semblant sans issue. Nous ne regardons pas toujours plus loin que le bout de notre nez. Nous plaisons à admirer la rotation de la planète autour de notre nombril. Souvent à se plaindre. A envier les autres. A trouver que le monde qui nous entoure est pourri, que ça serait mieux si... A nous mettre en colère contre les injustices qu'on nous jette à la figure au journal de vingt heures. En clair nous râlons souvent mais ne faisons pas grand chose pour que cela s'arrange, et je m'inclus bien sûr dans le lot.

 

L'essentiel est d'être heureux. D'avoir la paix. Celle du coeur, de l'esprit. Le travail occupe une bonne partie de notre existence, l'influençant grandement. Quand il ne nous plaît plus, qu'est-ce qui nous empêche de le quitter ? Un crédit ? Une femme et des enfants à nourrir ? Une pension à payer ? La peur de ne pas trouver un autre emploi ? Un caleçon trop étroit ?

 

La vie est courte. Il ne faut pas attendre trop longtemps, au risque de la finir parsemée de regrets. Un tilt peut en cacher un autre. Le même joueur joue et rejoue jusqu'à l'affichage du game over final. Reste à savoir si vous aurez découvert tous les secrets du jeu ou si vous aurez perdu au bout de quelques niveaux...

 

Je ne vais pas attendre trop longtemps, plus longtemps. Il me reste quelques crédits ça tombe bien. Et comme je connais le début du jeu je saurai éviter les pièges, sans être à l'abri d'un faux pas ou d'une faute d'inattention mais que voulez-vous, quand on joue il faut savoir perdre de temps à autre.

 

Un blogueur me disait que cela faisait classe de terminer ses articles par une citation. Voyons voir : « La vie est comme un grand livre : si on oublie les pages qu'on tourne, on arrive à la fin sans rien avoir compris ! » Nicolas Chambrier.

 

Allez hop ! Insert coins...

 

 

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29 octobre 2010 5 29 /10 /octobre /2010 23:23

- Touche à rien, ya rien à faire, j'ai vérifié, ya rien à faire. Tu devrais pas y aller même. Je reviens, touche à rien.

 

Je le regarde sans répondre. Ses yeux gris droits dans les miens. Son regard qui se perd et revient. Il a les manches de sa tenue toutes mouillées. Je m'écarte pour le laisser passer.

 

Je jette un coup d'oeil à mon autre collègue. Sans chercher à comprendre ni rien dire il fait demi-tour. Je reste immobile un instant. En face de moi la porte de la salle de bain est légèrement entr'ouverte.

 

Lentement, un pas après l'autre. Il n'y a pas de poignée. J'entre. Une salle d'eau toute bleue, un peu petite mais fonctionnelle. Ca sent bon. La baignoire. Une femme à l'intérieur, en nuisette. L'eau est teintée de rouge. Au pied de la baignoire, le petit est posé sur un peignoir, sur un tapis de bain. Seul son visage dépasse du linceul-éponge. Il a l'air de dormir. Au-dessus de lui sa maman dort aussi d'un profond sommeil.

 

Je m'agenouille et je réajuste le peignoir, comme pour mieux l'emmitoufler. J'effleure sa joue. Sa peau est douce et froide. Je sors et tente de fermer la porte qui s'entr'ouvre dès que je la lâche. Des bruits de pas et de radio dans l'escalier. Les collègues de l'arrondissement.

 

Un brigadier, un gardien de la paix et un policier auxiliaire. Je me mets sur le côté pour libérer l'accès.

 

J'aurais du suivre le conseil de mon collègue. Je n'aurais pas du y aller. Curiosité morbide. Depuis, j'y suis retourné souvent et je n'arrive jamais à la fermer, cette foutue porte...

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29 octobre 2010 5 29 /10 /octobre /2010 21:18

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J'ai pété ma cafetière. Vous vous en foutez éperdument et je vous comprends ! Le fait de boire du café énerve, c'est bien connu mais me dire que je ne peux plus en boire m'agace encore plus. J'ai bien du Red bull qui traîne dans le frigo et une cartouche de clopes posée à son sommet, si je n'ai pas mon café quand je me lève il me manque quelque chose. Après manger, cela me contrarie, cela m'insupporte encore plus si je n'ai plus de tiges. Rajoutez à cela la pénurie de carburant et me voilà devant une bonne journée de daube comme je les aime (ou pas)...

 

La cafetière en elle-même fonctionne. En fait, en lavant le container j'ai frotté un peu trop fort et j'ai pété le verre au niveau de la poignée. Et le pire, c'est que ce n'est pas la première fois que cela m'arrive puisque j'ai déjà cassé celle de ma maman pendant mes vacances de septembre. Puisqu'on parle chiffons, autant continuer et vous abreuver de détails inutiles, ne faisant avancer le débat d'un iota et d'un ennui croissant (au beurre avec du café, quand il y en a, c'est excellent pour le cholestérol).

 

Pour en revenir à ma chère mère, un détail amusant, le destin peut-être, a voulu qu'elle naisse le 03/03/1933, qu'elle réside en Gironde, ait 3 enfants dont l'un, on se demande lequel, a 3 de tension et de QI... Car il ne faut pas être bien malin pour péter une cafetière avec une éponge...

 

Les éponges sont un groupe d'animaux invertébrés marins qui, si l'on en croit Fernand Raynaud, empêchent les océans de déborder. Ce sont aussi des objets spongieux destinés au nettoyage, initialement formés des animaux sus-cités. Le terme éponge désigne également une personne aux prises avec un problème d'alcool.

 

En clair, j'étais bourré, d'où le café... Pas si incohérent que ça mon article finalement... Je vous fais un thé ?

 

Ci-dessous, une chanson qui n'a rien à voir avec le texte ci-dessus, a fortiori...

 

 

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16 octobre 2010 6 16 /10 /octobre /2010 00:34

Fini le temps de la bonne vieille 4L bleue estampillée Gendarmerie arpentant nos campagnes. Afin de rivaliser face aux bolides de plus en plus chevalins des bandits de grand chemin ou autres Fernando Alonso du dimanche en mal de sensations fortes, les gendarmes seront désormais dotés de la Mégane RS.

 

L'est très cholie, jugez plutôt :

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Du côté de nos amis transalpins, ça a une autre gueule tout de même :

 

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Il ne reste plus qu'à fournir les formations adéquates, et ça sera parfait !

 

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 subaru-impreza-gendarmerie1.jpg

 

En cas de révocation, s'il s'avère que vous êtes entièrement responsable de ces fâcheux instants, vous pourrez toujours opter pour une éventuelle reconversion :

 

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Source : http://www.autonews.fr/News/Nouveaute/gendarmerie-megane-RS-213044/

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15 octobre 2010 5 15 /10 /octobre /2010 04:15

 


LA POLICE FRAPPE UN JOURNALISTE D'INVESTIGATION DE CANAL+

 

 

Je suis allé à la manif des retraites. Parce que vous comprenez, j'ai 40 ans bientôt. Et je bosse depuis l'âge de 16 ans. Rien de bien folichon... Arpète dans une imprimerie pendant 2 ans, sous les drapeaux pendant 20 mois (se sont trompés ces abrutis, m'ont appelé deux fois). Des missions d'intérim de ci de là, des stages non rémunérés comme chauffeur-livreur de tout et de rien, un Contrat Emploi Solidarité dans un Institut d'Etudes Politiques où j'ai croisé le Dalaï-lama (on s'en fout c'est juste pour m'la péter) et enfin la Police Nationale, à 23 ans.

 

Ils veulent nous faire bosser jusqu'à plus soif. Je m'imagine à 61 ans, rentrant le soir, après un déplacement de trois semaines dans le 93, poser mon barda dans l'entrée, manger ma purée de brocolis, ma compote de pommes, faire mes mots croisés, regarder les beaux yeux cernés d'Harry Roselmack, attendre impatiemment Louis la brocante version remastérisée pour finir par enfiler mon pyjama rayé, déposer mon dentier sur la table de chevet sur lequel trônerait Omerta dans l'Assemblée Nationale, le témoignage poignant d'une ancienne ADS, virée de la police mais devenue députée avec mention très bien, personnage haut en couleurs du PAF et aux portes de l'Académie Française.

 

Ah les bougres de ministres, les sacripans du gouvernement ! Eux pour qui je me serai si souvent levé à pas d'heure pour surveiller l'itinéraire de leur caravane rugissante, passant devant moi à toute ber-zingue pour ne pas rater un avion qui ne partirait de toute façon jamais sans eux. Ne s'arrêtant jamais, pas même aux feux rouges, se servant de nous comme de vulgaires cônes de lubeck. Ces vieux-là travaillent si longtemps qu'ils veulent que tout le monde les imite.

 

Alors oui, je suis allé manifester. Au début, j'ai cru qu'il s'agissait des journées mondiales de la jeunesse, mais n'ayant point vu de Pape à l'horizon, j'ai du bien vite me rendre à l'évidence. Les lycéens sont dans la rue et gueulent comme des putois, d'une voix n'ayant pas encore mué, de laisser leur retraite tranquille une fois qu'ils auront trouvé du boulot. Leurs parents les attendent dans la voiture. Des lycéens dans la rue qui protestent contre la réforme des retraites, c'est un peu comme des spermatozoïdes dans une capote manifestant contre les moyens contraceptifs... C'est pas bien malin cette dernière réflexion, je vous l'accorde, en plus c'est du réchauffé, pour certains contacts fb...


Et puis, dans la soirée, il a commencé à pleuvoir. Des bouteilles, des pierres. Des banderoles et des pneus se sont mis à brûler spontanément et puis les CRS se sont ramenés. Sont jamais les derniers ces cons là, dès qu'il y a du bordel. Et ils se sont avancés vers nous. Les boucliers rivés à leurs bras gonflés par les anabolisants et la matraque prête à s'exprimer à bâton rompu.

 

Alors qu'ils n'étaient plus qu'à quelques mètres et que les flashes crépitaient sous l'œil bienveillant des caméras, à la manière d'un arbitre de Ligue 1 brandissant un carton rouge à l'encontre d'un joueur dont le tacle assassin a détruit la jambe d'un de ses adversaires, j'ai dégainé ma carte de flic. Suis de la maison les gars ! Arrêtez ! Rejoignez-nous ! Rejoignez-moi ! Il faut se battre bandes de minables, vous n'allez pas vous laisser faire tout le temps quand même ? Qu'est-ce que vous faites ? Mais regardez ! Je suis pas comme les autres ! Je suis de la poli...

 

Je sors de l'hôpital demain...



 [Dédicacé à tous les journalistes tombés un jour de manif sous les coups de tonfa de la République...]



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14 octobre 2010 4 14 /10 /octobre /2010 11:54

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En sécu quelque part, dans le 95. Je gare le boxer sur un parking plein, derrière une rangée de voitures. En face, un groupe de trois jeunes originaires de pas d'ici s'agitent en nous apercevant. Sortent leurs portables, parlent un bref instant dedans et se dispersent en regardant par dessus leurs épaules.

 

Un de mes collègues va retirer de l'argent, je le surveille du coin de l'oeil, comme tout l'environnement immédiat, qui le suit du regard et que notre arrivée semble avoir sorti de sa torpeur et de sa routine quotidienne.

 

Je descends du véhicule et me dirige vers la pharmacie, arrangeant ma tenue pour paraître le plus impeccable possible puisque tout le monde me regarde.

 

- Bonjour messieurs dames.

 

Je patiente le temps que le client devant moi s'en aille, je regarde les médicaments rangés, machinalement, comme un client lambda que je ne suis pas.

 

- Bonjour, je voudrais une boîte d'Efferalgans effervescents 1g s'il vous plaît, non, mettez m'en deux.

- La police a mal à la tête ?

- La police est malade monsieur, vous lisez jamais les journaux ?

 

Je paye et ressors. Remonte dans le véhicule. Vérifie que tout le monde est là. Un type klaxonne, on l'empêche de sortir de sa place de parking. Je tourne la clé dans le contact, le fourgon ne démarre pas. Je recommence. Rien. J'ai mal à la tête...

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13 octobre 2010 3 13 /10 /octobre /2010 23:32

 

 

 

 

Salut à toi l'internaute, qui lit ces lignes, depuis le premier article. Toi qui, à demi-caché derrière un pseudo et une adresse IP, vient épier le résultat de centaines de clapotis digitaux sur mon clavier grisé par la cendre et souillé par le café trop sucré que je m'envoie quand la souris me démange.

 

Salut à toi, fidèle abonné de newsletter, adepte de fil RSS, averti à la micro-seconde de la parution d'une nouvelle élucubration de ma part. Toi qui donne un avis à chaud sur le moindre de mes écrits, décortique, corrige, approuve ou gerbe sur ton écran le trop plein de ce que tu ingurgites à longueur de journée.

 

Salut à toi mon pote, qui lit sans vergogne les mots entassés venant du tréfonds de mon âme, du puits sans fond de mes pensées, obscures ou lumineuses venant éclairer ou noircir ton ennui quotidien.

 

Salut à toi le vagabond, SDF de l'internet venant habiter mes pages au gré de tes pérégrinations sur la toile, via Google ou un lien Facebook que l'un de tes 800 amis aura placardé sur son mur et sur lequel tu auras machinalement clické.

 

Salut à toi, belle et sournoise Edwige, salut à toi collègue des RG, qui guettent le moindre faux pas déontologique de ma part, connaissant mon nom et mon adresse, la marque de mes sous-vêtements, mes habitudes alimentaires ainsi que la couleur des yeux de la dernière femme ayant partagé mon lit.

 

Salut à toi, commentateur de la dernière heure, observateur silencieux à l'affut du moindre faux témoignage, redresseur de torts à tes heures perdues, châtiant ma plume de la tienne, provocant mon avis en duel dans la rue principale de ma boîte email et dégainant tes phrases bien-pensantes plus vite que ton ombre. M'envoyant entre les deux yeux les points d'exclamation comme autant de balles que compte le six-coups assassin de tes verbiages pompeux et inutiles.

 

Salut à toi, blogueur de tous horizons, inlassable VRP du réseau, avide de références et communautaire de cœur. M'invitant à visiter ton âme tout comme tu t'es permis de visiter la mienne, sans même me demander la permission ni prendre la peine de tout lire jusqu'au bout. Comme si la lecture d'un seul mot émanant de mon cœur te donnait le droit de m'obliger à faire de même.

 

Salut à toi l'invité surprise, le pique-assiette, qui pousse la porte de ma maison, se servant dans le frigo et s'en allant une fois qu'il n'y a plus rien à boire ni à manger.

 

Salut à vous mes amis qui ne jugent rien, pas même la faute inexcusable d'oser étaler sur les écrans de la terre entière ces moments de vie partagés, précieux instants que vous croyiez intimes mais exposés sans pudeur à la face du monde.

 

Salut à vous tous, qui êtes ici chez vous. Qui avez les clés de l'endroit. Je ne suis que locataire de mes propres pages, que vous décidez de visiter et que vous fuyez peut-être si j'ai le malheur de ne pas remplir ne serait-ce que la moitié d'un rectangle de dimension 800 x 600.

 

Je refais la déco, cherche des idées neuves, casse des murs et agrandit les pièces pour que tous aient leur place dans mon modeste appartement aux murs pixelisés et aux façades déroulantes.

 

Ce logis informatique où je ne suis plus chez moi, mais où vous venez quand ça vous chante, que je vous y invite ou non. Pour fouiller dans mes tiroirs et ouvrir les portes de mes armoires, vous allonger sur mon canapé et fumer mes cigares.

 

Puissiez vous trouver le trésor que je cache dans ces pages, et dont personne jusqu'ici n'a soupçonné l'existence, à part peut-être ceux qui m'ont aimé. Ils ne viennent plus ceux-là, ils connaissent déjà l'endroit pour l'avoir cambriolé une fois et profité du fruit de leur larcin en toute impunité... Puissent-ils ne jamais revenir ces bandits, ces marauds, ces profiteurs de confiance et ces menteurs d'amour. Je les défie de trouver la combinaison du nouveau coffre que je me suis acheté, sur qui le plus habile des voleurs se cassera inexorablement les dents et s'écorchera les doigts.

 

Et si un jour le lien s'écroule, si l'erreur 404 s'affiche sur l'écran de votre curiosité ou de votre intérêt pour ce lieu, c'est que le presque propriétaire du domaine s'est enfui. En emportant le souvenir des traces de vos pas, que vous avez laissé sur les statistiques secrètes répertoriées dans le journal de bord de votre favori, comme sur le registre d'un hôtel sur lequel sont gravés votre nom et la date de votre venue...

 

Ce sera provisoire, ou définitif. Simplement parce qu'il y a un temps pour tout. Pour écrire. Pour lire. Pour dire. Pour dénoncer. Pour partager. Pour se mettre en colère. Pour se calmer. Pour aimer. Pour détester. Pour vivre. Pour mourir.

 

Il me reste du café... je vous en sers un ? Ou vous êtes déjà en train de commenter ?

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10 octobre 2010 7 10 /10 /octobre /2010 14:43

 

 

Vous avez remarqué ? Il y a de plus en plus de flics qui se foutent en l'air. Il n'y a pas si longtemps, c'est un Gardien de la Paix de la Police Judiciaire, des Stups, qui s'est tiré une balle dans les toilettes du 36. Ca ressemble à un clin d'œil que de se flinguer dans les chiottes. L'endroit idéal pour évacuer la merde qui nous colle souvent aux rangers en faisant ce boulot et dont la semelle empeste à des kilomètres.

 

Nous, moi, CRS, sommes épargnés par certaines images, de par notre emploi. Cela arrive de façon fortuite de voir des horreurs mais c'est relativement rare. Pour nos ptits gars et filles, motards de l'autoroutière c'est plus fréquent, tout comme pour nos collègues MNS durant leurs saisons en plage. Sans oublier bien sûr les montagnards, pour qui c'est souvent le cas mais dont la vocation première est de sauver des gens, mais parfois il n'y a plus rien à faire, si ce n'est emporter un corps mutilé, ne ressemblant plus à grand chose d'humain quand il a dévissé et atterri brutalement sur la planète pour voir si elle était plus belle vue d'en haut. 

 

Notre boulot est ainsi fait. Pour les flics qui liront cet article, je ne leur apprend rien. Il ne nous épargne pas. Nous prenons parfois en pleine gueule et gérons tant bien que mal des choses auxquelles nous ne sommes pas préparés. Et nous rentrons avec à la maison ou au cantonnement. Nous nous endormons avec de sympathiques images de suicidés ferroviaires, d'accidentés de la route, d'overdosés, d'enfants aux mains de monstres ignobles les mutilant à vie en leur prodiguant pourtant des caresses ou autres ignominies auxquelles je préfère ne pas penser. Nous sommes témoins d'instantanés de vie où la misère est si envahissante et si accaparante qu'elle est presque devenue une amie tellement on la croise quotidiennement. Certains cauchemars nous réveillent en pleine nuit, comme pour nous rappeler qu'un flic est toujours en service, même quand il dort...

 

Avec les nombreux suicides à France Telecom, dont les employés ont décidé en nombre de se mettre aux abonnés absents ou sur liste rouge, appelez ça comme vous voulez, le public s'est aperçu que, comme la clope ou l'alcool, bosser tue, à la seule différence c'est que ce n'est pas marqué dans un encadré noir sur fond blanc quand vous signez votre contrat de travail. Certains le savaient déjà. Et les fonctionnaires n'ont pas le monopole du suicide d'ailleurs. Beaucoup en arrivent là à cause de leur travail à la paye minable, les rongeant de l'intérieur et leur faisant détester la vie, leur vie de merde, qu'ils détestent au point de préférer y mettre un terme. D'autres ont tellement de fric que ça ne leur serait jamais venu à l'idée tandis que beaucoup s'en foutent, c'est juste une information supplémentaire s'insérant entre deux faits divers sordides dont les médias sont friands. Et encore, l'argent n'a jamais empêché quoi que ce soit, bien au contraire. Il suffit de s'apercevoir combien de people pleins aux as ont choisi cette solution. Pour des policiers, dont l'un des outils de travail peut servir à supprimer une vie, ils ont à disposition un moyen de rayer la leur de la carte du monde. C'est un peu plus facile, mais tous ne se flinguent pas. Je ne vais pas entrer dans les détails j'ai pas envie.

 

Ce qui est juste à remarquer, à souligner au stabylo comme quand on fait des statistiques, c'est que lorsqu'un Gardien de la Paix, un Lieutenant de police ou Capitaine, bref, quel que soit le grade ou la fonction, c'est l'endroit où cela se passe. C'est presque toujours sur le lieu de travail. Et quand on lit après dans les journaux que ce sont des problèmes d'ordre privé qui en sont la cause, on se dit qu'on se fout bien de notre gueule et qu'on nous prend pour des cons.

 

Parce que c'est bien beau tout ça. Mais quand votre vie privée est tributaire de votre vie professionnelle, alors c'est bien le boulot qui est responsable. En tant que CRS, je suis souvent en déplacement. Le maximum est d'un mois (deux tous les cinq ans pour les renforts saisonniers). En règle générale, nous partons assez souvent trois semaines par ci ou quinze jours par là. Pour nos potes MNS, comptez deux mois d'absence pour surveiller les plages en été. Il y a des missions plus ou moins longues aussi, pour les motards, qui circulent par tous les temps, je dis ça en passant. Des permanences et des missions de sauvetage ou d'entraînement qui durent plusieurs jours pour les CRS de Haute-Montagne. Longue vie à la CRS Alpes ! (petit clin d'oeil à un copain). Pardon pour les services que je ne cite pas, parce que je suis flic mais je ne connais pas le fonctionnement des nombreux services que compte cette profession.

 

De ce fait, les couples, les familles en pâtissent. L'éloignement et l'absence ne sont jamais bons pour leur bon équilibre, c'est une évidence. Demandez à une femme de flic ce qu'elle en pense vous m'en direz des nouvelles. Demandez à un CRS souvent loin de chez lui ce qu'il pense de la naissance de son petit dernier qu'il a raté parce qu'il n'est pas arrivé à temps, et ce malgré que son Commandant de compagnie, dans un élan de générosité étonnante de la part d'un officier (je déconne, bisous mes ptits Lieutenants et Capitaines ou Commandants, n'oubliez pas de signer mes congés hein ? Je vous aime !) lui avait donné la permission de partir pour assister à l'événement. Mais il était trop loin, et le ptit bout de chou n'a pas attendu son papa pour dire bonjour à la vie. J'arrête, ça fait trop mauvais scénario de série policière à la con... Je parle des CRS mais vous pouvez changer des mots si vous voulez. Collègues, vous pouvez modifier ce qui vous désirez pour que ça vous corresponde le mieux. Pardon pour ceux qui ne sont pas dans la grande maison, avec toutes ses pièces pour cacher son désespoir. Ne vous sentez pas exclus, on ne vous oublie pas.

 

Voyez plutôt : Evidemment, il n'y a pas que les flics qui ont des contraintes de cet ordre. Bon nombre de professions sont d'une pénibilité extrême. Je ne vais pas toutes les énumérer, cela va du commercial qui passe son temps dans sa voiture et en réunion, au militaire qui part à l'étranger pour défendre les intérêts de son pays. Au professeur d'école, de collège ou lycée qui se fait muter à Perpète les oies et qui attend des années avant de postuler dans un établissement de sa région. La liste est longue, de ces métiers qui bouffent le quotidien et l'influencent énormément. Certes, tous l'ont choisi, et ont fait ce qu'il fallait pour en arriver là, en s'imposant des sacrifices au détriment de plaisirs simples, comme ceux d'avoir une vie pépère et équilibrée. Et encore, quelqu'un qui bosse huit heures par jours et rentrant à la maison tous les soirs n'est pas à l'abri du coup de blues, loin de là ! Rien ne les empêche de démissionner, ou, pour nous flics, gendarmes, bidasses, employés de France Télécom, profs, infirmières (ha tiens ! Encore une profession à la con, je l'avais oubliée celle-là) et j'en passe, de demander une mutation, c'est un des avantages de ces boulots là.

 

Mais merde quoi ! La boîte fait quoi pour ceux qui s'en vont de cette façon ? Ceux dont le sang et la cervelle viennent crépir le mur d'un commissariat ou celui d'un appartement, l'intérieur cuir d'une voiture, tous ces endroits où l'on retrouve nos collègues qui ont signé leur sortie de ce monde par la petite porte ? Parce que la douleur qui était la leur était trop lourde à porter et qu'une balle de 9 mm l'a guérie de façon radicale, sans possible retour, un peu comme un Efferalgan soulage d'un putain de mal de tête. Si la douleur persiste il faudra songer à aller voir un médecin. Un psy pour celui de vivre. Pour certains ce médecin s'appelle M. Sig Sauer. Je me suis toujours demandé si le pétard d'un flic qui s'est déboité était réaffecté à un autre fonctionnaire ? Ou s'il est mis dans un récipient aseptisé comme pour une seringue usagée dont on ne doit se servir qu'une fois par mesure d'hygiène et de sécurité.

 

Lors du match PSG – Nice sur lequel nous avons bossé il n'y a pas longtemps, nous avons croisé notre ministre, Brice (il est supporter de Nice, Brice ?). Il est venu serrer les paluches gantées ou pas de certains d'entre nous et a même caressé un cheval gendarme qui en a frémi de la croupe, c'est impressionnant un ministre qui se déplace, même pour un canasson. Avec toute sa clique de gradés aux feuilles de chêne, de types encostardés et de caméras de télévision. J'étais chauffeur. Assis au volant de mon boxer. Il est passé tout près de moi. Je n'ai pas eu le courage d'aller le voir pour lui demander s'il dormait bien la nuit et s'il comptait faire quelque chose plutôt que de se pavaner et parler d'abrutis habillés comme des cons, avec écharpes et maillot de foot se tapant sur la gueule à la moindre occasion, pourrissant ainsi la tranquilité de ces supporters qui viennent là uniquement pour passer un bon moment et encourager leur équipe parce qu'ils aiment le football ou tout simplement se retrouver dans l'ambiance magique d'un stade en ébullition. Je n'ai pas eu les cojones assez grosses pour descendre de mon véhicule pour lui demander si c'était normal qu'un flic qui se supprime, en service ou non, n'ait pas droit aux honneurs qu'il mérite, tout comme un ou une collègue qui tombe sous les balles d'un braqueur de casino ou de fourgon blindé. 

 

Il paraît qu'il existe une cellule psychologique sensée nous aider. Vous en avez déjà entendu parler vous ? Il faut avoir internet ou demander à un délégué syndical pour savoir comment elle s'appelle, parce que j'ai beau chercher sur les murs des salles de repos des commissariats que je visite quand je suis en déplacement, je n'ai pas vu d'affiches m'informant qu'elle existe. Vous allez me dire, tu n'as qu'à aller voir l'assistante sociale. C'est ça, j'y penserai...

 

Je n'ai pas eu le courage, je disais, d'aller voir mon ministre. Certains en ont eu beaucoup, pour en arriver à ce geste ultime qui a plongé leurs proches dans une tristesse éternelle. Pour nous, flics, c'est un collègue, un copain, un ami, une connaissance, un frère, un mari, qui est tombé. On ne l'a pas aidé à marcher, c'est pour cette raison qu'il est là où il est maintenant. Entre quatre planches. Inutile de préciser qu'on peut mettre tout ça au féminin évidemment, pour les plus bouchés, ceux qui ne comprennent rien. Les femmes se suicident aussi, et subissent d'énormes pressions de la part de certains petits chefs minables, machos et misogynes comme c'est pas possible.

 

Ce n'est pas difficile à comprendre qu'un type qui se suicide sur son lieu de travail signale et marque d'une croix l'endroit à l'origine de tous ses maux de tête. J'ai bien envie d'aller mettre une affiche, dans les commodités du 36, quai des Orfèvres. Non ! Je vais plutôt la mettre sur la porte d'entrée juste en dessous du petit écriteau des toilettes. On ne pourra pas la rater, ça sera écrit en gros, en gras, format A3, caractères rouges sang, sur fond noir, pour des raisons évidentes. 

 

J'y mettrai ceci : « Ci-git notre collègue Gardien de la PAIX, 29 ans, marié, sans enfant, affecté à la Brigade des Stups, parti en ce jour du 4 octobre 2010. Il ne l'avait pas, cette paix qu'il est sensé apporter de par son métier. La paix du cœur. Celle qui nous fait aimer la vie, même si elle nous en fait baver cette foutue existence. Nous envoie chaque jour à la gueule toute la merde d'un monde où c'est chacun pour soi. On a compris ton message. On ne pourra malheureusement pas empêcher ceux qui feront la même chose, plus tard, le plus tard possible. Mais promis, on sera plus vigilants. Quand un des nôtres arrivera le matin avec des valises chargées sous les yeux. En traînant des pieds. Ou alors parce qu'on se sera engueulé avec lui et que ce n'est pas dans son habitude, d'être comme ça, de s'énerver tout le temps, de se pourrir avec tout le monde, lui qui était si gentil. On guettera le moindre changement de comportement chez ceux qui partagent notre vie de flic, que nous aimons tant mais qui nous tue parfois, à petit feu.

 

On épiera le moindre détail suspect. Même chez ceux qui sont toujours souriants et gentils, marrants et tout et tout. Comme s'ils cachaient quelque chose derrière cette joie de vivre. Parce que nous, flics, avons un avantage. Nous sommes méfiants, suspicieux et tordus. Nous cherchons toujours la petite bête, même là où tout est clean, comme dans les toilettes dans lesquelles vous vous apprêtez à rentrer. N'oubliez pas de tirer la chasse et de laisser l'endroit aussi propre que vous l'avez trouvé en arrivant. Merci. »

 

Je suis entré dans la Police le 4 octobre 1994. Je ne vais pas l'oublier ce collègue-là, qui s'est suicidé à la date anniversaire de mon entrée dans la vraie vie, celle que je comprends mieux grâce à mon boulot. Celle qui m'a appris tellement de choses, qui m'a montré combien les gens pouvaient être admirables tout comme ils pouvaient être détestables, méprisables. Cette vie est la mienne. Je l'ai choisie. Ce métier je l'aime, vous pouvez pas savoir à quel point. Mais il me fatigue, jour après jour. Je m'accroche, je vous assure, je trébuche, je doute, je regarde en arrière, je ferme les yeux, je pleure, je m'énerve, je rage et peste contre la terre entière. Contre le jour où j'ai décidé de passer ce concours à la con.

 

Voilà... C'est malin... J'étale mes états d'âme à qui veut bien les lire. A ceux que je ne connais pas et qui comprendront on non ce que je dis en tombant par hasard sur cet article, au hasard d'un click gauche de souris. Ceux qui me jugeront. Qui penseront que je dis n'importe quoi. Je m'en tape. Je m'en contrefous de votre avis, gardez-le. Ce que vous direz ne changera rien pour moi, ne changera rien dans ma vie, dans ma façon de penser. Et ça ne me tuera pas non plus, je suis indestructible, parce que j'ai un cœur qui bat, fort, bien plus fort que ceux qui pensent que les flics sont tous des alcoolos, des racistes, des homophobes et tout le tralala habituel des tarés du bulbe qui ne réfléchissent qu'avec leur haine et un cerveau de la taille d'un pois chiche.

 

Les années passent et je m'approche tout doucement de l'ultime saut. Celui qui me fera quitter un monde pourri mais si beau à la fois. Parce qu'en fait c'est ça, c'est notre regard sur lui et sur les autres qui fait que nous allons bien ou non. Sur ce que nous faisons, de bien ou pas. Sur ce que nous jugeons utile, ou non. Sur ce qui nous arrive et la façon dont nous le gérons, l'instant où il arrive, il n'est pas toujours opportun ce petit grain de sable qui va coincer le mécanisme d'une vie sans problème et bien huilée.

 

Je vous aime, vous qui avez un cœur gros comme ça. Préservez-le, aimez de toutes vos forces, toujours, parce qu'il n'y a que ça de vrai. Et ne laissez personne vous dire que ce que vous faites est vain, même si vous vous dites parfois que c'est vrai. Ce n'est jamais inutile d'aimer, de travailler en y mettant tout son coeur. C'est tellement gratifiant de mettre de l'amour partout. Que ce soit dans une personne, sa femme, ses enfants, sa famille, ses amis, son chien ou sa plante verte. Ceux qui ne le mettent que dans leur métier n'ont peut-être pas tout ça. Mais c'est toujours de l'amour, et il vaut cher celui-là, on le paye même au prix de notre vie... c'est dire s'il est inestimable, et précieux.

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2 septembre 2010 4 02 /09 /septembre /2010 15:24

 

Nous n'avions pas la télévision quand j'étais petit. Mes parents refusaient de faire entrer le diable dans la maison, comme ils disaient. C'est qu'ils étaient croyants mes parents, ils le sont toujours d'ailleurs, étant fermement persuadés qu'il existe un être tout puissant ayant créé les cieux et la terre, et tout ce qui l'habite. J'ai donc été éduqué dans le respect de Dieu et l'amour de mon prochain. Cela peut prêter à sourire pour ceux qui sont athées ou agnostiques mais pour mes parents et moi, Dieu est une entité que nous nous apprêtons à rencontrer un de ces quatre, quand Il aura décidé que c'est le moment et que la plaisanterie a assez duré.

 

Je l'ai déjà dit. Je suis loin d'être un bigot ou une grenouille de bénitier. Quand j'avoue être croyant et que mon père est pasteur, beaucoup me regardent un peu de travers, me demandent de répéter ou rigolent croyant à une blague.

 

Hé oui, il a même sa petite troupe qu'il sermonne tous les dimanches à grands coups de versets de la Bible dans leurs tronches de pécheurs et croyez moi, ce n'est pas facile de diriger une assemblée de fidèles qui attendent de vous d'être réconfortés par un message qui parle de l'amour de Jésus dans un monde où celui-ci semble avoir foutu le camp depuis bien longtemps.

 

Dieu, là-haut, est pour moi quelqu'un de très mystérieux. D'ailleurs Il n'est pas que là-haut. Il se manifeste partout à qui veut bien ouvrir les yeux et remarquer ses interventions, que d'autres appellent le destin ou le hasard. Je n'aime pas le terme pratiquant. Prier n'est pas un sport. La seule chose que me demandait mon père (en fait il ne le demandait pas vraiment il l'imposait) c'était d'être à l'église tous les dimanches matins, ce n'était pas une option mais une obligation, ce depuis mon plus jeune âge.

 

C'est ainsi que gamin je jouais aux petits soldats, livrant mille batailles épiques à l'époque, dans l'église de mon père, juste derrière les rangées de fidèles, allongé sur la moquette, chuchotant pan pan, crash, argh et tuant des millions d'allemands en les écrasant avec mes chars ou les tapissant de bombes à coups de raids aériens. Une guerre miniature menée par un petit homme modèle réduit.

 

Pendant ce temps-là, mon père parlait d'amour et de paix du cœur sous les cris agonisants de ces malheureux combattants de plastique qui n'avaient rien demandé si ce n'est peut-être de mourir le plus vite possible pour ne pas souffrir. Il m'arrivait parfois de les faire crever un peu trop fort ce qui avait pour conséquence de me retrouver assis, l'oreille en feu, devant la chaire, en face de l'assistance m'écrasant du poids de son regard. Du haut de mes trois pommes, je faisais semblant de me foutre de cette humiliation. La trêve imposée par mon pasteur de père ne m'empêchait pas d'élaborer les plans machiavéliques de mes attaques futures, ma guerre était loin d'être terminée. Mon imagination était sans limite en matière de jeux martiaux. Il m'arrivait de voyager dans le temps, tuant des indiens déguisés en playmobils ou des gangsters faits de briques de Lego. Quant aux extraterrestres, ils ne venaient plus sur ma planète, las des branlées qu'ils prenaient.

 

Devenu adolescent et doté du pouvoir de raisonner, tout du moins de penser par moi-même, je me suis fait baptiser et continué mon chemin tout en persistant à croire qu'il y avait quelqu'un qui veillait sur moi, me guidant même au travers de mes choix de vie. Adulte, j'ai pourtant tourné le dos à cette éducation religieuse en n'allant plus à l'église, car l'obligation et le souvenir de la corvée que c'était m'ont pas mal vacciné de côtoyer ces lieux où se mêlent parfois saintes nitouches et bigots hypocrites, priant haut et fort en vantant leur exploits saints et se conduisant comme les pires philistins une fois sortis de l'assemblée.

 

Mais je n'oublie pas les valeurs que m'ont appris mes parents. A savoir j'aime mon prochain, en ayant quand même une préférence pour ma prochaine. Je n'aime pas mentir et pourtant il m'arrive de le faire, tout comme je n'aime pas la violence et je suis CRS. Cela dit, un CRS n'est pas violent, il donne juste des explications physiques aux interrogations que se font certaines personnes, par exemple que se passe-t-il si j'essaie d'arracher son bouclier à un CRS alors qu'il est en barrage ? Réponse : je prends un coup de tonfa sur les doigts...

 

Il y a une chose que j'aime, dans la Bible, c'est le message qu'elle délivre et le côté positif de devoir tirer de chaque chose un enseignement. Certains préceptes nous expliquant comment faire de sa vie une réussite, lui donner une utilité et un sens.

 

Mes parents m'ont appris à être indulgent et à l'écoute des autres tout comme ils m'ont enseigné ce qui fait la valeur d'un homme, à savoir son honnêteté et sa bonté de cœur. Ne pas vivre pour soi mais au service des autres. Donner sans rien attendre en retour. Ne jamais refuser une main tendue. Ne pas faire aux autres ce qu'on n'aimerait pas qu'on nous fasse. Aimer ses ennemis.

 

Difficile pour moi d'aimer le type qui vient de me balancer un pavé venant rebondir sur mon bouclier. Je ne le considère pas vraiment comme un ennemi mais je ne vais pas l'inviter à danser un slow non plus si je l'attrape. Je vais plutôt l'envoyer valser. Cruel dilemme. En faisant ce métier je suis parfois en contradiction avec mon éducation mais également avec mes propres convictions, car je hais la violence, sous toutes ses formes. "Une réponse douce calme la fureur mais une parole dure excite la colère" disait un roi à la sagesse légendaire.

 

Certaines violences aujourd'hui ne peuvent se contenir que par l'emploi de la force. De plus en plus agressifs, ceux d'en face ne sont régis par aucune règle. Celles de notre institution nous interdisent d'appliquer la loi du Talion. Ainsi, les pavés envoyés nous tombent dessus sans retour à l'envoyeur.

 

Dans mon métier, une situation calme peut dégénérer en quelques secondes, et pas seulement en maintien de l'ordre. J'aime l'attente et les regards qui s'échangent, lorsque, à quelques pas de moi, des manifestants scandent leurs slogans. Ils s'adressent souvent à nous. Nous demandent de rallier leur cause. Fustigeant le gouvernement de ne leur répondre qu'avec des maux bleus.

 

Nous ne sommes pas là pour panser leurs blessures sociales, encore moins pour leur en infliger d'autres. Nous sommes un outil. Dont on use au besoin et qu'on range une fois la tâche accomplie. Des pions noirs sur un échiquier. Des soldats de plastique.

 

Je ne me mets jamais au dessus d'un manifestant. Ne méprise jamais sa cause. Il est là, moi aussi. Juste devant lui. J'attends... qu'il parte... ou qu'il s'avance...

 

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1 septembre 2010 3 01 /09 /septembre /2010 22:47

 

 

Certaines missions en CRS sont d'un ennui mortel. Celle que je viens de terminer consiste à surveiller des bâtiments sensibles. Soit nous restons devant, nous assurant que personne ne se gare dans le périmètre de sécurité, soit nous faisons des passages réguliers en véhicule de manière à vérifier que tout se passe bien, qu'aucune inscription insultante n'a été faite ou qu'aucun objet suspect ne traîne à proximité.

 

Nous avons donc tout loisir de penser à tout un tas de choses lorsque défilent les kilomètres nous menant d'un édifice à un autre. Plantés devant une porte ou déambulant sur un trottoir, notre esprit s'envole souvent vers des horizons lointains où il fait meilleur et où l'on ne s'ennuie pas. Rêves d'hiver quand il fait chaud, rêves de plages quand il fait froid...

 

Je me souvenais cet après-midi là que c'était une femme qui m'avait fait quitter la plus belle ville du monde et qui m'avait amené jusques sur ce trottoir. Une femme rencontrée quelques années auparavant ayant suffisamment de crédit à mes yeux et dans mon cœur pour me faire quitter le confort douillet d'un petit studio situé non loin de la Maison de la Radio. Mon boulot de flic de bureau ne me fatiguait pas trop, ne me passionnait pas plus que ça mais me laissait pas mal de temps de libre. Raison suffisante pour y rester.

 

Rassemblant mes 12 ans de vie parisienne dans quelques cartons, je décidais de quitter cette petite vie tranquille. Le plus difficile était de laisser mes amis et surtout une fort jolie brune chère à mon cœur, amie fidèle et complice de moments qui n'appartiennent qu'à moi et que je garderai en mémoire jusqu'à ce que je déménage une ultime fois pour ma demeure éternelle. Je quittais également à regret mes propriétaires et leur fils, ma deuxième famille.

 

Pour rejoindre ma belle, je choisissais d'intégrer les CRS, dont le cantonnement était proche de son domicile. En premier lieu parce que j'avais toujours eu envie d'en faire partie et ayant fait mes premiers pas de bébé flic en compagnie d'intervention, j'avais pris goût à la tenue qui est la même pour ces deux unités, à quelques écussons près. Ensuite, après avoir passé plusieurs années dans un bureau où le seul danger était de se planter une agrafe dans la main, je voulais retrouver la voie publique et le contact avec les gens sur qui un gardien de la paix est sensé veiller. Je n'avais pas choisi ce métier pour rester enfermé entre quatre murs et j'enviais souvent mes collègues du commissariat, que j'entendais partir sirènes hurlantes et pied au plancher cinq étages plus bas.

 

Un an plus tard, je redevenais célibataire en plein mois de décembre, à quelques jours du nouvel an. Un collègue m'avait téléphoné pour prendre de mes nouvelles et m'invitait même à passer le réveillon avec sa femme et ses amis. J'ai refusé en le remerciant, préférant me retrouver seul après un retour de déplacement fatiguant de 850 kilomètres. Et surtout, j'avais envie de ne voir personne. Je me souviens de ce réveillon solitaire. Je l'ai passé à cuisiner une bonne partie de la soirée, dévorant le fruit de mes efforts comme si c'était le dernier repas que je prenais. D'un naturel optimiste et m'efforçant de ne pas trop m'apitoyer sur mon sort, je me suis dit que c'était la vie et qu'elle continuait malgré tout. La compagne du CRS épouse la profession et les nombreuses absences sont lourdes à supporter. Des semaines, parfois des mois sans se voir suffisent à avoir raison d'une relation, même solide, s'effritant petit à petit pour finir par s'écrouler complètement. Nous avions essayé, et échoué, c'était ainsi.

 

Le cœur s'essouffle mais il est toujours prêt à aimer, quand on veut bien le laisser faire. Quand on ne met pas trop de barrières. Mais il devient méfiant. Il n'ose plus battre trop vite, de peur de se faire mal à nouveau. A force qu'on me le rende meurtri, le mien s'est entouré de piques et de barbelés. A force de batailles perdues, les défenses se sont renforcées et des murs se sont dressés les uns derrières les autres. Quelques pauvres âmes esseulées se sont blessées à vouloir les franchir.

 

J'ai même ajouté un dragon, consumant d'un souffle celles qui tentent de s'approcher. Gardien de la forteresse, barrière presqu'infranchissable pour intrépides en mal d'aventure. Son point faible : le même que le mien...

 

Je pensais à tout ça sur le trottoir, protégeant un bâtiment vide. Une armure de six kilos sur le dos. La jolie damoiselle croisée sur mon chemin de ronde et le sourire qu'elle m'a lancé n'ont pas suffi à faire bouger d'un pouce les défenses érigées mais ont sonné l'alerte d'un éventuel assaut. La menace s'est éloignée. J'aurais pourtant aimé qu'elle essaye... juste pour voir...

 

 

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